Agence Redwood - Agence conseil en communication - Le solutionnisme technologique c'est quoi ?

Un mirage made in Silicon Valley : le Solutionnisme technologique

À l’heure où s’ouvre VivaTech -qui mettra à l’honneur Elon Musk- et où les avancées technologiques vont être mises à l’honneur aux cours de cette grande messe païenne, il semble majeur de réfléchir à la place que l’on accorde à la technologie omniprésente et à la vision que son discours dominant projette sur la société. 

La promesse d’un monde meilleur à portée de click.

L’idéologie dominante, portée par les géants de la tech et exprimée par leurs leaders, et une foi béate en la capacité de la technologie à résoudre les enjeux mondiaux : sous une forme ou une autre, ils s’engouffrent dans la brèche du ‘solutionnisme technologique’ née dans les années 2010. Ainsi, en 2012, Eric Schmidt déclarait lors d’une conférence de presse : « Si nous nous y prenons bien, je pense que nous pouvons réparer tous les problèmes de monde. »

Le courant ne s’est pas tari, il s’amplifie au fur et à mesure que la technologie s’immisce dans le moindre interstice de nos vies. Les objets connectés et les avancées technologiques sont présentés comme des solutions pour lutter contre les maux de notre civilisation globalisée avec pêle-mêle l’obésité, l’insomnie, la faim ou le réchauffement climatique. … le solutionnisme technologique est partout !

Le -feu- Metaverse dont les publicités montraient un homme augmenté au service du bien commun avec un slogan simpliste : ‘Même si le Metaverse est virtuel, son impact sera réel’ était l’illustration la plus pataude d’une pensée technologique triomphante résolvant les maux du monde.
Bref, la technologie se dote des attributs portés par les Dieux du monde antique.

On pourrait multiplier les exemples d’une telle posture avec la livraison de nos repas, la gestion de notre mobilité, l’enseignement en ligne ou l’auto-mesure humaine par les objets connectés. Ces innovations qui s’adressent individuellement à chacun d’entre nous, évoluant dans une cité idyllique -et quelque peu optimiste- dans des villes intelligentes régies par les flux de données tant individuelles que collectives.

Le solutionnisme technologique comme projet de civilisation ?

Le solutionnisme technologique, tout comme le transhumanisme, en véhiculant la fascination numérique en tant que modèle applicable à toute la société, laisse souvent de côté la perte de la liberté humaine et à une dépendance excessive -voire l’aliénation- à la technologie. Les exemples s’accumulent jour après jour, les plateformes numériques, en adoptant une posture de tiers facilitateurs, laissent aux États le soin de les réguler, toujours avec retard et jamais avec une très grande détermination.

Il est clair que cette idéologie n’apporte que des patchs, rustines technologiques qui masquent les défis auxquels nous sommes confrontés. 

Comment considérer comme une approche universelle un solutionnisme qui minore les dimensions sociales, économiques, politiques et environnementales et surtout gomme les dynamiques entre ces secteurs. 

Le solutionnisme, c’est voir les problèmes sociétaux comme une pluie de confettis impossibles à réconcilier en un tout cohérent, à l’opposé d’une pensée globale ou de la pensée complexe chère à Edgar Morin ,« […] La pensée complexe est tout d’abord une pensée qui relie. […] Elle est donc contre l’isolement des objets de connaissance ; elle les restitue dans leur contexte et, si possible, dans la globalité dont ils font partie. ».

Pour creuser cette critique salutaire de cette vison simpliste et court-termiste, nous vous conseillons une saine lecture d’été : Evgeny Morozov – Pour tour résoudre, cliquez-ici !

Et la place du citoyen ?

L’utilisation croissante des outils technologiques « intelligents » entraîne des conséquences sur nos vies. Ils régulent les comportements, limitant la réflexion et le libre arbitre. L’individualisation de l’information et personnalisation des contenus pour des clusters de publics spécifiques (le fameux exemple ou les complotistes ne se voient proposés que des contenus complotistes). La course au temps d’exposition des individus que se livrent les plateformes les oblige à proposer à chacun ce qui conforte ses centres d’intérêts, effaçant le rôle des médias en tant que fenêtre sur le monde. 

Le solutionnisme technologique soulève aussi la question fondamentale du rôle de l’individu-citoyen sur la direction que prend notre société et les valeurs que nous souhaitons promouvoir. Il est crucial d’encourager un débat public ouvert et inclusif sur l’avenir de la technologie et son rôle dans la résolution des problèmes mondiaux. La diversité des perspectives et l’inclusion des voix marginalisées sont essentielles pour éviter les biais et les inégalités potentielles. 

Existe-t-il aujourd’hui une volonté politique, un soutien institutionnel pour développer la compréhension approfondie des problèmes et animer un débat éclairé ?  Quelles réponses collectives à une vision qui risque de conduire à une perte de la liberté individuelle et à une dépendance excessive à la technologie ? Quelle réflexion sur la perte de liberté des États face à la puissance trans-nationale des plateformes ?

Il est nécessaire d’adopter une approche intégrative qui combine les connaissances scientifiques, les avancées technologiques et les valeurs humaines. En mettant l’accent sur la collaboration, la durabilité et le respect des droits humains, que nous pourrons construire une société dans laquelle la technologie joue un rôle positif sans compromettre notre autonomie et notre bien-être.

De la responsabilité de ceux qui la fuient

Les entreprises technologiques ont un rôle à jouer dans la manière dont les technologies sont développées, déployées et régulées. 

En se retranchant derrière une posture simpliste de fournisseurs de services / solutions, les plateformes sont dans le déni de leur impact sur nos modes de vie, nos libertés… et l’équilibre de nos sociétés.

Les chantres du libertarisme ultra-capitaliste -Elon, sort de ce corps-, ne voient aucun problème de justice dans l’inégalité et la domination des plus puissants sur les plus faibles. Dans leur système de pensée, rien n’est prévu pour redistribuer les libertés, par exemple en évitant les monopoles, pour réglementer le travail, ou pour distribuer les richesses. 

On ne peut que s’étonner de la complaisance des États à financer les entreprises dont les dirigeants prônent cette idéologie cannibale, qui détruit la liberté du plus grand nombre au profit de quelques-uns.
Que seraient Space X sans les contrats de la Nasa et Tesla sans les subventions étatiques US liées au plan climat ? 

On s’éloigne chaque jour d’un modèle vertueux ou les grands acteurs du numérique assumerait leur responsabilité en veillant à ce que leurs innovations soient utilisées de manière éthique et bénéfique pour la société dans son ensemble. 

Sans tourner le dos aux innovations qui chaque jour modifient la manière dont nous exerçons nos activités économiques, nos façons de travailler et de vivre -et qui peuvent être porteuses de progrès-, la vigilance s’impose sur leur impact qui dépasse au niveau collectif l’utilisation individuelle que nous en faisons.

La révolution numérique omniprésente est certes bénéfique pour de nombreuses entreprises de différents secteurs économiques et oblige d’autres à se réinventer. Toutefois, elle porte en germe des nouvelles menaces qui appellent notre vigilance et que l’on doit combattre pour développer un numérique plus inclusif soucieux de l’intégrité et l’autonomie de toutes les couches de la société, qui garantisse la liberté des citoyens, le droit à l’apprentissage tout au long de la vie, l’intégration dans la société, l’accès aux ressources et aux prestations de service publiques, culturelles et éducatives. 


Contacter Redwood :