McKinsey vient de publier son étude “State of the Consumer 2025: When disruption becomes permanent”.
Cette étude repose sur une enquête menée auprès de plus de 25 000 consommateurs dans 18 pays, qui représentent environ 75 % du PIB mondial : il s’agit d’un recueil des données sur les comportements, les attentes et les tendances d’achat des consommateurs à l’échelle internationale.
Synthèse rapide :
Depuis le début de la décennie, les consommateurs ont adopté de nouveaux comportements, accélérés par la pandémie de COVID-19 : télétravail, connectivité numérique, activités en solo.
Même si le monde s’est rouvert, l’incertitude persiste et le moral des consommateurs reste plus bas qu’en 2020. Les préoccupations principales sont la hausse des prix et l’inflation, mais paradoxalement, la consommation reste élevée, et le lien entre sentiment et dépenses s’est affaibli.
Cinq tendances majeures émergent
Plus de temps passé seul et en ligne
Les comportements adoptés pendant les confinements liés à la COVID-19 – une forte dépendance à la connectivité numérique et aux activités à domicile – sont désormais ancrés dans la vie quotidienne des consommateurs à l’échelle mondiale. En 2025, les consommateurs continuent d’organiser leur temps et de dépenser différemment qu’il y a cinq ans : ils recherchent davantage la gratification immédiate, la commodité et consacrent plus d’attention à eux-mêmes.
Aux États-Unis, par exemple, les consommateurs disposent en moyenne de plus de trois heures supplémentaires de temps libre par semaine par rapport à 2019. Près de 90 % de ce temps supplémentaire est consacré à des activités solo, telles que la pratique de loisirs, le shopping, le sport à domicile ou la navigation sur les réseaux sociaux. En comparaison, la part de temps passée avec des amis, en famille ou lors de sorties culturelles (cinéma, concerts, théâtre) reste stable, ce qui signifie qu’elle diminue proportionnellement au total du temps libre.
Cette évolution n’est pas forcément le résultat d’un choix délibéré : le télétravail et l’essor de l’e-commerce ont simplement libéré du temps et facilité les connexions à distance. On observe cependant des différences selon les marchés : les consommateurs chinois, par exemple, passent plus de temps avec leurs proches et consacrent davantage de temps au shopping ‘plaisir’ que les Américains.
L’e-commerce et la livraison de repas connaissent des taux d’utilisation très élevés : plus de 90 % des consommateurs chinois et américains interrogés ont effectué un achat chez un détaillant exclusivement en ligne au cours du mois précédent, tout comme plus de 80 % des consommateurs allemands et britanniques. La livraison de courses à domicile est également très répandue : près de 40 % des consommateurs allemands, britanniques et américains ont utilisé ce service la semaine précédente. Dans ces quatre pays, plus d’un tiers des consommateurs citent Amazon ou Taobao comme leur destination d’achat principale.
Cette demande croissante de commodité a instauré une mentalité « apportez-le-moi » (« bring-it-to-me mindset »), qui transforme non seulement le commerce de détail, mais aussi la restauration et la livraison de produits alimentaires. La part de la livraison de repas dans les dépenses mondiales de restauration est passée de 9 % en 2019 à 21 % en 2024.
Les attentes des consommateurs en matière de service et de rapidité augmentent, tant dans les secteurs existants que dans de nouveaux domaines. La rapidité devient un standard incontournable pour la livraison. Les consommateurs intégrent également à leurs exigences le faible coût, la fiabilité et la facilité de retour des produits.
Les canaux numériques gagnent des utilisateurs, mais pas leur confiance
Les consommateurs considèrent les réseaux sociaux comme leur source la moins fiable lorsqu’il s’agit de prendre des décisions d’achat, alors même qu’ils y interagissent avec leurs proches, qui restent leur source de confiance la plus importante. Malgré une faible confiance dans les institutions et les médias, les plateformes numériques en continu influencent subtilement les décisions d’achat et la perception des marques.
La pandémie de COVID-19 a accéléré l’adoption des outils digitaux, modifiant la manière dont les consommateurs s’engagent avec les marques et les médias. Les agrégateurs d’audience (moteurs de recherche, réseaux sociaux, plateformes de streaming et de gaming) ont gagné en puissance et en influence alors que l’attention des consommateurs se fragmentait. Les marques ont suivi les consommateurs sur ces plateformes, mais le simple fait de diffuser des campagnes publicitaires ne suffit plus à les convaincre.
Les consommateurs européens et américains déclarent que les réseaux sociaux les influencent moins pour les recommandations de marques et de produits, mais que leur entourage (famille et amis) reste leur source principale d’influence. En Chine, la famille et les amis sont également très influents, mais les réseaux sociaux et les avis en ligne jouent aussi un rôle important. Ces tendances varient selon les catégories de produits : par exemple, dans le secteur du voyage, les influenceurs figurent parmi les sources de confiance pour 38 % des répondants américains, contre seulement 13 % dans le secteur des snacks.
Cependant, les plateformes numériques influencent incontestablement le parcours d’achat. L’utilisation des réseaux sociaux pour la recherche de produits a augmenté (32 % en moyenne, contre 27 % en 2023), avec une proportion encore plus élevée dans les marchés émergents comme l’Inde, où près de la moitié des consommateurs effectuent leurs recherches sur les réseaux avant d’acheter. Environ 29 % des consommateurs allemands, britanniques et américains ont déjà acheté une marque découverte sur les réseaux sociaux.
L’usage des réseaux sociaux n’est plus réservé aux jeunes générations : 33 % des Gen Xers en Europe et aux États-Unis sont présents sur TikTok, et 35 % des baby-boomers utilisent Instagram. En Chine, près de 90 % des consommateurs, toutes générations confondues, sont actifs sur Douyin et WeChat.
Le défi pour les marques est donc de maintenir un discours authentique et personnalisé sur toutes ces plateformes, en tenant compte de multiples sources d’influence (réseaux sociaux, voix influentes, avis et évaluations de produits) pour façonner leur communication.
La génération Z : une opportunité majeure
La génération Z (née entre 1996 et 2010) représente aujourd’hui une des opportunités majeures pour les marques et les distributeurs. Elle est appelée à devenir la génération la plus nombreuse, mais aussi la plus riche de l’histoire. Aux États-Unis, un jeune de 25 ans de la génération Z dispose d’un revenu disponible supérieur de 50 % à celui des baby-boomers au même âge (en tenant compte des aides, de l’inflation et des impôts). Leur pouvoir d’achat progresse deux fois plus vite que celui des générations précédentes au même âge, et leurs dépenses devraient dépasser celles des baby-boomers à l’échelle mondiale d’ici 2029. D’ici 2035, la génération Z devrait injecter 8,9 trillions de dollars supplémentaires dans l’économie mondiale.
Les marques doivent comprendre les moteurs de consommation de cette génération, qui a grandi dans un monde digital et a vécu son adolescence pendant la pandémie de COVID-19. Ces expériences ont influencé leur rapport aux marques et aux grandes étapes traditionnelles de la vie. Les membres de la génération Z se définissent moins par des événements comme le mariage ou la parentalité, et davantage par la réussite professionnelle et la sécurité financière (ils sont respectivement 73 % et 36 % plus susceptibles que les générations précédentes de valoriser ces critères). Cette tendance s’explique en partie par la pression économique liée au coût de la vie et à l’endettement étudiant.
À l’échelle mondiale, la génération Z se montre plus optimiste sur les questions sociales, mais moins confiante dans la stabilisation de l’inflation et la baisse des prix. Environ 40 % des jeunes interrogés en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis s’inquiètent pour leur avenir financier, contre 31 % pour les générations plus âgées. En revanche, en Chine, seuls 11 % des jeunes de la génération Z expriment cette inquiétude, probablement en raison d’une culture de l’épargne plus ancrée.
Malgré ces préoccupations financières, la génération Z ne freine pas ses dépenses. La moitié des jeunes Américains (et 35 % des jeunes Allemands et Britanniques, mais seulement 8 % des Chinois) déclarent ne pas avoir assez d’épargne pour tenir plus d’un mois, mais continuent à prioriser la consommation. Plus d’un quart des jeunes de la génération Z utilisent des services de paiement différé (« buy now, pay later »), un comportement particulièrement répandu en Chine (40 %), en Inde (38 %), aux Émirats arabes unis (36 %) et en Australie (35 %).
Malgré un matelas financier plus faible, la génération Z est la plus encline à se faire plaisir et à acheter à crédit. Dans les pays étudiés, 34 % des jeunes de la génération Z déclarent être prêts à acheter à crédit, soit 13 points de plus que les autres générations. Leur désir de sécurité financière, combiné à une tendance à se faire plaisir, oblige les marques à proposer des produits et des expériences qui méritent d’être vécus, souvent inspirés par les tendances ou le bouche-à-oreille. Les jeunes de la génération Z privilégient ainsi les dépenses dans l’habillement (34 %) et la beauté (29 %).
Enfin, la génération Z est prête à payer un supplément pour la commodité. Elle utilise davantage les services de livraison de repas et de courses que les autres générations. À l’avenir, la génération Z devrait imposer de nouvelles normes en matière de consommation, et les marques qui sauront répondre à ses attentes seront les mieux positionnées pour réussir.
Le local prend le dessus sur le global
La préférence pour les marques locales s’accentue. 47 % des consommateurs considèrent les entreprises locales comme importantes dans leur décision d’achat. Les raisons principales sont le soutien à l’économie locale (36 %) et une meilleure adéquation aux besoins (20 %).
Depuis cinq ans, les marques locales disruptives grignotent des parts de marché aux multinationales. En 2025, cette tendance s’est accentuée : avec l’émergence de nouveaux accords commerciaux mondiaux et la persistance de la disruption, les consommateurs affichent une préférence croissante pour les produits et marques issus de leur propre marché.
Le désir d’acheter local est particulièrement visible dans des catégories comme l’habillement et les produits ménagers. Si cette tendance est la plus marquée en Amérique du Nord, elle se retrouve aussi dans d’autres régions. Par exemple, en Chine, six des dix premières marques de beauté ayant le plus progressé en parts de marché depuis 2020 sont chinoises (contre seulement deux entre 2015 et 2020). Au Japon, neuf des dix principales marques de snacks sont japonaises.
À l’avenir, les multinationales devront redoubler d’efforts pour réussir hors de leurs marchés historiques. Adapter leur offre aux goûts et tendances locales, localiser leur sourcing autant que possible, et prendre des décisions stratégiques sur leur portefeuille de marques en fonction de leur capacité à gagner des parts de marché seront essentiels. Pour certaines entreprises, cela pourrait impliquer un recentrage sur leur cœur de métier, dès lors que les conditions de marché et les flux commerciaux restent instables.
Nouvelle équation de la valeur
La hausse des prix reste la principale préoccupation des consommateurs dans les 18 marchés de l’étude, loin devant le changement climatique, les conflits internationaux ou la sécurité de l’emploi. Cette situation conduit les consommateurs à réduire leurs dépenses, mais pas forcément de façon classique.
À l’échelle mondiale, 79 % des consommateurs interrogés pratiquent le “trade-down”, c’est-à-dire qu’ils cherchent à réduire leurs dépenses, mais pas nécessairement en achetant moins ou en se tournant vers des enseignes moins chères (même si ces comportements restent courants). Plus de la moitié des consommateurs recherchent systématiquement des offres promotionnelles à chaque achat, et près de la moitié des Américains prévoient de reporter certains achats dans les trois prochains mois. Dans le secteur de l’habillement, 47 % des consommateurs américains attendent une promotion avant d’acheter, contre 22 % en Allemagne et au Royaume-Uni.
Un phénomène nouveau se développe : le “cross-category trade-down”, qui consiste à réduire ses dépenses dans une catégorie pour se permettre un achat plaisir dans une autre. Plus d’un tiers des consommateurs interrogés au premier semestre 2025 déclarent avoir adopté ce comportement. Encore plus surprenant, 19 % des consommateurs dans le monde prévoient de réduire leurs dépenses dans une catégorie essentielle pour s’offrir un achat plaisir dans une catégorie plus accessoire.
Certains consommateurs refusent d’abandonner les petits plaisirs auxquels ils se sont habitués pendant la pandémie. Même parmi ceux qui s’inquiètent de la hausse des prix, plus d’un tiers prévoit encore de se faire plaisir, une tendance particulièrement marquée au Brésil, en Chine et aux Émirats arabes unis.
En résumé, les consommateurs redéfinissent la notion de valeur, ce qui influence profondément leurs habitudes d’achat. Les canaux de vente à prix réduits et les grossistes attirent toutes les générations et tous les niveaux de revenus (par exemple, 80 % des jeunes Américains de la génération Z ont acheté chez un grossiste le mois précédent). Les marques doivent donc être présentes là où les consommateurs recherchent la valeur, et proposer des offres promotionnelles réellement attractives.
Ça veut dire quoi pour les marques ?
Les recommandations à adresser aux marques à l’issue de cette étude ne bouleversent pas les fondamentaux du marketing, elles rappellent toutefois avec justesse l’importance d’une adaptation permanente.
McKinsey identifie quatre axes stratégiques essentiels pour permettre aux marques de tirer leur épingle du jeu :
Etre toujours plus près du consommateur
Le sentiment du consommateur n’est plus aussi fortement corrélé à ses dépenses, rendant les méthodes traditionnelles de prédiction obsolètes. Les entreprises doivent donc développer une vision à 360° de leur clientèle, en s’appuyant sur des outils de veille sociale alimentés par l’IA et en exploitant des données comportementales fines issues de leurs propres sites ou points de vente. Pour les entreprises disposant de peu de données propres, il semble nécessaire de renforcer leur capacité à collecter des insights consommateurs et à accéder à des données tierces.
Investir dans la gestion de la croissance des revenus (RGM)
Les consommateurs sont devenus plus sensibles au prix et aux promotions, et comparent facilement les offres grâce au numérique. Il est donc indispensable pour les marques de proposer le bon produit, au bon prix, au bon moment. Cela passe par une gestion rigoureuse des prix (via des outils analytiques avancés), l’optimisation régulière de l’assortiment et l’innovation dans les modèles de promotion. L’utilisation de l’IA prédictive et de données comportementales permet de personnaliser les offres et d’atteindre les consommateurs au bon moment.
Adapter le portefeuille de marques pour la croissance
Face à l’émergence de marques disruptives /pure player et à l’évolution rapide des tendances, les entreprises doivent constamment réinventer leur portefeuille, notamment à travers des opérations de fusion-acquisition et de cession. L’objectif : générer 20 à 30 % de nouveaux revenus tous les dix ans. Les entreprises qui réussissent à intégrer cette dynamique affichent une performance supérieure à celles qui privilégient la croissance organique. L’e-commerce, en particulier dans les pays émergents et avec des modèles innovants comme le social commerce, est un terrain d’innovation majeur.
Moderniser les capacités technologiques
Pour rester compétitives, les entreprises doivent investir dans la transformation digitale, y compris dans l’intelligence artificielle générative et l’IA agentique. Parmi les 140 cas d’usage identifiés, la gestion des insights consommateurs, la prévision de la demande et la gestion des canaux de distribution sont les plus porteurs de valeur. Les entreprises qui réalisent ces investissements peuvent espérer une amélioration de leur marge d’EBITDA allant jusqu’à 15 points de pourcentage.
L’éude complète est accessible ici : https://www.mckinsey.com/industries/consumer-packaged-goods/our-insights/state-of-consumer
Vous souhaitez développer votre proximité avec vos consommateurs avec une stratégie éditoriale responsable et personnalisée ? N’hésitez-pas à nous contacter !