Dans un paysage digital où chaque marque peine de plus en plus à se faire voir et entendre, la question n’est plus seulement “quoi” dire, mais surtout “comment” le dire. Jenny Ba, directrice éditoriale et co-fondatrice de l’agence Redwood, propose une analyse critique de l’évolution de la communication digitale et des nouveaux défis qui s’imposent aux directeurs marketing et communication. Avec plus de 15 ans d’expérience en stratégie éditoriale et gestion des plateformes digitales, elle a accompagné de nombreux secteurs. Parmi eux, l’enseignement supérieur, la recherche, la formation professionnelle et l’écosystème start-ups, des domaines particulièrement pointus et exigeants. Une interview à découvrir.
En quoi la communication digitale est-elle un levier stratégique pour les marques, plus que jamais aujourd’hui ?
Jenny Ba : Déjà, je pense qu’il est important de mettre au clair un point fondamental. La communication aujourd’hui, ce n’est plus seulement diffuser des informations sur une entreprise. Les marques qui s’en tiennent à ça passent à côté de l’essentiel. Avant l’ère du digital, la communication d’entreprise fonctionnait surtout dans un seul sens : les marques parlaient, leurs publics écoutaient. Les canaux traditionnels (publicité, presse, affichage) diffusaient un message sans possibilité d’interaction. Avec l’avènement d’Internet puis des réseaux sociaux, le rapport s’est profondément transformé. La communication est devenue un échange direct et quasi instantané, très souvent initié par le public lui-même. Les audiences réagissent, commentent, partagent et influencent elles-mêmes à leur tour la perception de la marque auprès de leurs pairs.
La communication n’est donc plus seulement informative, elle est conversationnelle, relationnelle et collaborative. Elle a un impact plus important que jamais dans la construction de la relation des marques avec leurs publics.
Bien sûr, au-delà de la visibilité, la communication est un véritable actif stratégique qui permet de construire un capital de marque solide et durable. La création de contenus et leur diffusion de masse sont devenues beaucoup plus accessibles. Une nouvelle opportunité pour les petites entreprises et PME qui ne disposaient pas de ces moyens auparavant. Cette évolution a apporté son lot d’avantages et d’opportunités, mais aussi de nouveaux défis pour les marques.
Quels sont les grands sujets qui bousculent les équipes communication et marketing aujourd’hui ?
Jenny Ba : Je dirais qu’il y en a trois qui reviennent systématiquement dans nos échanges avec les directions. Le premier, c’est le GEO (Generative Engine Optimization) : comment se rendre visible dans un monde où les moteurs de recherche intègrent désormais les IA génératives. Ce n’est plus seulement une question de mots-clés, mais c’est aussi une question de structuration et de richesse des contenus, mais pas que.
Le deuxième, c’est la vidéo. Elle est devenue incontournable, que ce soit en format court ou en live pour les réseaux sociaux, mais aussi en format long pour le thought leadership. C’est devenu, depuis plusieurs années, LE format de contenu qui domine le marché de l’attention.
Et enfin, il y a l’influence et notamment la micro-influence et l’UGC (User Generated Content) qui montent en flèche. Les marques ne peuvent plus se contenter de diffuser leurs propres messages : elles doivent intégrer les voix des clients, collaborateurs (employee advocacy), presse et partenaires (RP). C’est ce qui crée la crédibilité et l’authenticité. Mais c’est aussi ce qui déstabilise le plus les organisations, car elles n’ont pas toujours le contrôle sur ce contenu.
Quels sont les trois grands défis auxquels les équipes marketing et communication sont confrontées selon toi ?
Jenny Ba : Chaque fonction possède bien sûr ses propres défis, liés à ses missions et à ses objectifs spécifiques. Mais si l’on prend un peu de hauteur pour adopter une vision globale, le premier défi qui s’impose selon moi, c’est la complexité. Les entreprises doivent composer avec une diversité de canaux, de formats, d’outils et de communautés, tout en gardant une identité claire et cohérente. Ajoutez à cela une pression constante sur la production : créer vite et bien, trouver des idées toujours plus originales et différenciantes, imaginer des campagnes plus créatives, plus ciblées… En un mot, toujours “plus”. Face à cette complexité croissante, l’IA apparaît comme une vraie solution. Elle accélère la création et libère du temps, mais elle impose aussi de repenser la qualité (créative et éditoriale), l’authenticité et la différenciation de la marque.
Le deuxième défi, je dirais que c’est la rapidité et la réactivité car tout va très vite ! L’environnement digital est saturé d’informations et de contenus et l’attention des utilisateurs est très fragmentée. Les codes et les tendances évoluent vite. Ce qui fonctionne aujourd’hui peut être obsolète ou perçu comme ‘has-been’ demain. Tout va très vite aussi dans les entreprises, les projets se multiplient pour rester compétitif. L’éternel défi reste donc le temps, qui manque cruellement aux équipes pour réfléchir, coordonner, produire, etc. Bref, délivrer un maximum de projets en un temps record.
Et si je devais en citer un autre, je dirais que c’est (parfois) le manque de recul. Je vois nombre de directeurs marketing et communication tellement immergés dans leurs produits/services qu’ils en perdent toute distance critique. Ils sont centrés sur leur offre et tout ce qui touche directement leur entreprise. Ils oublient de se mettre dans la peau de leurs prospects qui ne la connaissent sûrement pas aussi bien qu’eux. Donc, rester customer centric coûte que coûte !
Comment l’agence Redwood accompagne-t-elle les marques dans cette transformation ?
Jenny Ba : Notre cœur de métier, c’est l’éditorial : travailler le discours, les mots, structurer la narration et clarifier le message. C’est à partir de cette base qu’on accompagne les marques. À la fois sur la stratégie et sur l’opérationnel, avec la création de contenus, les réseaux sociaux, l’emailing, le SEO et même le GEO (l’optimisation pour les IA génératives).
Notre particularité, c’est de combiner deux atouts rarement réunis : d’un côté, la profondeur d’analyse et la vision long terme d’une agence ; de l’autre, la réactivité, la flexibilité et l’optimisation des coûts qu’on pourrait attribuer à un freelance.
Concrètement, notre mission est de répondre aux enjeux et besoins ciblés des équipes communication et marketing, tout en adaptant notre façon de travailler à leurs contraintes et à leur rythme. On aime dire que nous intervenons un peu comme un “partenaire intégré” : proche des équipes, attentif à leurs enjeux, mais aussi capable de prendre du recul et d’apporter un regard stratégique.
Et dans le quotidien, ça se traduit comment ?
Jenny Ba : Je dirais que la différence se joue vraiment dans la rapidité d’exécution. Nous sommes immergés à 100 % dans les projets de nos clients et cela nous fait gagner un temps précieux. Résultat ? Moins de frictions, plus de fluidité, et une capacité à rebondir rapidement sur les besoins. Cela nous permet non seulement de livrer plus vite, mais aussi de proposer des idées pertinentes au bon moment. Par ailleurs, grâce à l’IA et au No Code, nous avons développé un mode opératoire qui nous permet d’aller plus vite que des équipes internes souvent débordées.